Les maisons paysannes de Bretagne

 

Il n'y a pas une maison paysanne en Bretagne, mais des variantes qui se sont créées à partir d'un modèle ancien qui accueillait bêtes et gens (voir ci-dessous).

Par la suite, ce type d'habitation va connaître toutes les évolutions possibles (ajout d'étage, de dépendances, d'ouvertures...) pour donner les modèles que l'on connaît actuellement. Ou plutôt, ce qu'il en reste, car le paysage rural a plus changé en un demi-siècle qu' au cours du millénaire précédent.

Quels sont les caractères principaux des maisons rurales?

 

1. A l'origine, une même cellule de base.

2. Ces maisons sont construites pour l'essentiel avec des matériaux locaux.

3. Un toit important à forte pente.

4. Dans l'essentiel des cas, la cellule de base était orientée dos au nord et à l'ouest.

 

I. Une même cellule de base.

 

La maison paysanne est l'aboutissement d'une évolution commencée au Bas Moyen-Âge. A cette période, bêtes et gens demeuraient dans le même espace, les animaux au bas-bout, les hommes dans la partie légèrement relevée. La fumée s'échappant par le toit.

Un bel exemple de ce type de construction peut se voir à Lan Goulh en Melrand où des maisons ont été reconstituées après des fouilles archéologiques.

Une très importante toiture vient s'appuyer sur des murs très bas : une quarantaine de centimètres environ. Contrairement à ce qui se fera par la suite, les deux murs longs étaient percés d'une ouverture afin de faciliter l'évacuation de la fumée.

Par la suite, une lente progression va amener la séparation des deux équipes et la modification de l'aspect général de la maison. Les murs sont remontés et percés d'ouvertures (porte, fenêtres) en façade.

A l'intérieur, une cloison délimitera l'espace (ar speurenn). Elle pourra être faite en bois, clayonnage, dalles de schistes (les palisses), et ce sera parfois un mur maçonné. Dans de nombreux cas, elle ne montera qu'à mi-hauteur, afin de faciliter la surveillance, mais aussi de profiter de la chaleur du bétail. Le foyer ne peut plus rester au milieu de l'habitation, il se trouve donc déplacé sur le pignon côté gens, où l'on bâtit une cheminée dont on voit la souche à l'extérieur. A ce moment, tout le monde continue d'entrer par la même porte.

La façade présente donc une porte, une fenêtre plus grande côté gens, une plus petite côté bêtes.

La souche de cheminée est sur un pignon, côté grande fenêtre. Ça suit?

Sous le toit, un grenier, accessible par une gerbière. On y range les récoltes, les fagots...

Ce modèle, le plus simple continuera à être construit jusqu'au XIXème siècle pour les foyers les plus modestes, évidemment. Et, même si la surface du sol est plane, on continue à parler de haut-bout et de bas-bout. Une pièce sert à la vie commune, l'autre pour le stockage: outils, futailles...

Par la suite, une deuxième porte sera percée, un étage pourra être construit, auquel on accèdera par un escalier, intérieur ou extérieur, une chambre sera bâtie à côté de la première cellule... Une chambre, d'après les termes notariaux, est une construction avec au moins un étage, mitoyenne de la première construction.

Les paysans vont aussi vouloir personnaliser leurs demeures: linteaux, niches, lucarnes...

Enfin, n'oublions pas que toutes les maisons rurales ne sont pas obligatoirement des demeures paysannes. Des prêtres en faisaient construire, des marchands, des artisans, voire même des notaires. Ce n'est que progressivement que toutes les fonctions administratives et commerciales vont se retrouver dans les bourgs.

 

II. Les matériaux.

 

L'essentiel des matériaux utilisés pour construire une maison était directement exploité sur place. Il arrivait que des personnes plus aisées aient l'envie de se démarquer des voisins, en faisant, par exemple, venir des encadrements de granit dans une région où le schiste était matière première.

            Les minéraux.

                              Le granit.

C'est LA pierre qui caractérise la Bretagne, qui en est le symbole. A tort, en fait, car le sous-sol breton est loin d'être composé uniquement de cette roche.

Par contre, on peut dire que l'on y trouve toutes les sortes et tous les coloris des granits européens.

C'est une roche qui est composée de quartz, feldspath et de mica et dont le grain peut être très différent.

Il est utilisé en moëllons ou taillé en blocs parfois importants (région de St Nicolas du Pelem).

 

 

 

 

                               Le schiste.

C'est un pierre compacte, par toujours facile à tailler mais qui se débite en blocs. Très schématiquement, on la trouvera dans le domaine centre armoricain alors que le granit se situe plutôt sur les côtes (mais il y a du granit au centre et du schiste en bord de mer. schématiquement, on vous a dit...).                  

                        L'ardoise.

C'est un schiste qui doit être exploité dans des conditions particulières (dans des carrières, la pierre doit baigner dans l'eau...).

Remontée en bloc du fond, elle est ensuite débitée en repartons puis séparée en plaques fines  par les fendeurs

On peut aussi l'exploiter sous forme épaisse, dans ce cas, elle est fréquemment destinée aux monuments historiques.

                        Le grès.

On l'exploite dans la presqu'île de Crozon et dans les Côtes d'Armor. Certaines variétés sont poreuses et favorisent l'humidité dans les habitations.

                        La chaux.

Elle était obtenue par la calcination du calcaire dans des grands fours comme à Cartravers (22) puis était éteinte avec de l'eau ou en restant à l'air libre.

Elle servait à faire du mortier, mélangée à du sable de rivière.

                        L'argile.

Exploitée dans des carrières, elle servait à faire des briques et des tuiles.

C'est surtout dans le pays de Retz que l'on trouvera l'utilisation de tuiles et briques, usage remontant probablement à la période romaine.

                        La bauge.

Ce sont des murs montés avec de la terre mélangée avec de la paille hachée, de crin, de la balle de céréale...

C'est une matière très intéressante, solide, qui n'absorbe pas l'humidité, excellent isolant thermique.

            Les végétaux.

                                Le bois.

Il sert pour la charpente, les ouvertures, les linteaux.

Il peut être également utilisé pour la toiture des maisons. Dans la région de Fougères on couvre en bardeaux, fines planchettes de châtaignier fendu.

                        Les chaumes.

Ce sont les couvertures végétales que l'on plaçait sur les maisons ou les dépendances. On utilisait la paille de seigle, de blé, le genêt, le fougère, la bruyère...

 

III.  La toiture.

 

Le toit est important et à forte pente. La charpente est dégagée pour former un grenier . Pendant longtemps la majorité des couvertures était de  chaume. Si l'eau ne ruisselle pas assez, la paille va s'imprégner et pourrira très vite, ce qui nécessite donc une pente forte.

Les deux côtés de la couverture sont compris entre les deux murs pignons, portant à leur sommet les souches de cheminée. Ils sont protégés du vent par une suite de blocs posés horizontalement : les rampants.

L'ardoise ne "prenant" pas l'eau , les couvertures de ce type sont légèrement moins pentues, mais suffisamment tout de même pour que l'eau puisse couler sans remonter en cas de vent contraire. Il arrive que l'on aperçoive une "cassure" en bas de la pente. C'est le coyau, destiné à envoyer l'eau au loin, afin qu'elle ne coule pas sur les murs.

Pour lutter contre les coups de chien, (les tempêtes), les couvreurs plaçaient parfois en bas de pente des ardoises beaucoup plus grosses qui résistaient mieux. La taille diminuait ensuite progressivement. (couverture à pureau décroissant).

 

IV. Quelques exemples de maisons en Bretagne.

 

Il apparaît extrêmement difficile de tenter une classification des maisons rurales de Bretagne tant les modèles se sont influencés, se sont localisés.

Dans certains cas on peut presque parler de style pour un élément concernant une ou deux paroisses...

Alors, en attendant que cette classification se fasse, si elle se fait un jour, citons quelques grands modèles largement identifiés.

* les habitats temporaires: loges de sabotiers ou de charbonniers

* les maisons en pierres debout (orthostats) que ce soit en granit ou en ardoise (palisses).

*La maison à apothéis des Monts d'Arrée

*La longère vannetaise

*La maison à escalier extérieur de centre Morbihan

*Les maisons en bauge (ou pisé) de Haute Bretagne (bassin de Rennes, nord Loire Atlantique...)

*La maison "italienne" de la région de Vertou

*Les maisons de Brière, couverte de chaume, aux murs crépis à la chaux...

*Les maisons en schiste sur les bancs ardoisiers...

Sans compter les maisons érigées au XIXème siècle d'après les plans d'architectes ou de propriétaires voulant introduire les notions d'hygiène et de modernité dans la société paysanne bretonne... On les reconnaît facilement à leur façade symétrique, aux pierres normées des entourages, aux ouvertures plutôt grandes...