La filandière. Ar nezourez. La filouze.
Dans les campagnes, autrefois, chaque femme était plus ou moins filandière. Certaines faisaient ce travail pendant leurs courts moments de liberté, pour d'autres c'était leur métier.
Dans les textes la mention d'hommes pratiquant cette activité est très rare.
On filait la laine, le lin et le chanvre.
La façon le plus simple d'opérer était le filage au fuseau. La filasse ou la laine était fixée sur une quenouille (un bâton en somme), et le fil s'enroulait sur un fuseau que l'on faisait tourner afin d'assurer la torsion du fil.
La filandière tirait petit à petit sur l'écheveau de laine ou de filasse afin d'en extraire la quantité suffisante pour faire un fil. Bien sûr, il fallait tirer en continu. Ce procédé était assez lent car il fallait sans cesse relancer le fuseau. Une bonne artisane pouvait produire 60 mètres de fil en une heure. Mais il était plus commode pour filer en gardant les vaches ...
Cette façon de faire n'est pas nouvelle, elle date probablement de temps très anciens, l'Antiquité?, le Néolithique? et vers 1550 Noël du Fail, un écrivain qui vivait près de Rennes écrivait:
"les filles, d'autre part, leurs quenouilles sur la hanche filoient: les unes assises en un lieu plus eslevé, sur une huge ou met, à longues douettes, afin de faire plus giorgiassement piroueter leurs fuseaux..."
Le filage au rouet.
Il en existait deux sortes: à grande et à petite roue. Le système de filage reste le même: dégager petit à petit une quantité de filasse pour obtenir un fil, mais dans le cas présent, la torsion se fait grâce à la roue qui met une bobine en mouvement. Le gain de temps était assez important et on considère qu'une filandière au rouet fabriquait 300 mètres de fil en une heure.
En basse Bretagne les femmes ne voulaient pas filer le jeudi et le samedi parce que cela faisait pleurer la Vierge.
La veille de la St André (le 30 Novembre), il faut arrêter de filer avant minuit sinon une vieille fée apparaît pour faire cesser le travail.
Enfin, sur la côte, les bonnes fées venaient aider les filandières. Celles-ci déposaient à l'entrée de leur grotte du pain beurré et une poupée de lin. Le lendemain, il n'y avait plus de pain mais le lin était filé.
Ce qu'il faut dire aussi c'est que la filasse devait être préparée avant d'être filée...
Une chanson recueillie près de St Malo nous décrit cette transformation:
J'ai breillé avec ma breille
Tout de rang, tout de rang,
Tout de rang dondon
J'l'ai pesselé o mon peselé
J'l'ai sansselé o mon selan
j'l'ai chargé sur ma quenouille
J'l'ai filé à mon fuseau
En le filant, le fil cassit...
Le lin arrivait en fagots, en bois comme disaient les filandières. Il fallait alors le broyer à l'aide d'un appareil rudimentaire, une sorte de banc rainuré dans laquelle venait s'encastrer une partie mobile.
Puis il fallait frotter la filasse contre une planche afin de lui donner plus de souplesse et enfin la peigner pour enlever les dernières impuretés.
Difficile métier que celui-là. Et pour un salaire de misère... Et pourtant, sans filandières point de toile! Et il en fallait huit pour alimenter le travail d'un tisserand.