Le Gallo

Le gallo.

Més qhi q'c'ét don le parlement-là?
(C'est quoi cette langue?)
 

Les origines.

 

Le gallo est une langue d'oïl comme le picard, le poitevin ou le normand. Il est directement issu du latin populaire parlé par les soldats ou les marchands entre le Ier et le IIIème siècle.
Les arrivées de bretons insulaires à partir des IVème et Vèmes siècles vont avoir pour conséquence l'implantation de leur langue dans une grande partie de la Bretagne, densément à l'ouest, plus sous forme d'îlots à l'est. Notons enfin que les parties les plus à l'est n'ont jamais parlé le breton.
Peu à peu, une frontière se dessine entre les deux langues et finit par se stabiliser sur une ligne Plouha-Vannes. Dans la zone de contact entre les deux langues, les échanges seront nombreux.
La première mention de Bretons parlant gallo est suggérée par un texte du XIIIème siècle, tiré des chroniques de St Denis qui mentionne les Bretons bretonnants et laisse donc supposer que d'autres ne parlent pas la langue bretonne.
La première utilisation du terme date de 1358. Un acte de Jean IV destiné à son trésorier général Georges Gicquel dit de lui: "nostre général recepveur en Bretagne Gallou"
 
 

Mais c'est une langue ou un patois?

 
Demandons d'abord à des gens savants (puisqu'il écrivent dans des livres...) ce qu'est un patois:
"Parler local, dialecte employé par une population généralement peu nombreuse , souvent rurale et dont la culture, le niveau de civilisation sont jugés comme inférieurs à ceux du milieu environnant qui emploie la langue commune". Le Petit Robert. 2011
"1. Parler provincial qui, étant jadis un dialecte, a cessé d'être littéralement cultivé et qui n'est plus en usage que pour la conversation parmi les gens de la province, et particulièrement parmi les paysans et les ouvriers. Le patois normand, gascon (...)
2. Il se dit quelquefois de certaines façons de parler qui échappent aux gens de province. Cela est du patois.
3. Par dénigrement, langue pauvre et grossière (...) Le Littré.
Ah! La suffisance parisienne... Culture, niveau de civilisation inférieurs, gens de la province, langue pauvre et grossière, quels jugements définitifs! D'autant que la notion de patois est une spécificité française, cette notion n'existant pas dans les autres langues.
Alors, sujet à traiter avec l'intérêt qu'il présente, c'est à dire nul.
Malheureusement, cette idée martelée et ressassée a fini par être bien intégrée par les gallésants eux-mêmes. Trop bien même. Pour eux, ils parlent le patois et si, à la rigueur ils l'utilisent dans la vie quotidienne, ils essaient à tout prix de s'en abstenir lorsqu'ils rencontrent des personnes hors de leur milieu. La honte quoi... De même, ils refuseront que leurs enfants l'utilisent, considérant que son emploi est dévalorisant.
 

Alors, c'est un dialecte du français?

 

Ben, non. Un dialecte dérive d'une langue. Or, le gallo ne vient pas du français, mais du latin.
Donc, le gallo est un dialecte roman, comme... le français. Mais lui, de part de sa situation est devenu langue nationale, imposée par les dirigeants successifs qui n'ont eu de cesse de faire disparaître les parlers minoritaires. Bernard Cerquiglini, un linguiste contemporain affirme d'ailleurs que le gallo ne peut être considéré comme un dialecte du français, les différences entre les deux étant trop importantes.
 


Mais le gallo, ça ne s'écrit pas!

 
Et pourquoi, je vous prie? C'est vrai le gallo a surtout été une langue orale. Jusqu'aux années 1980 chacun écrivait à sa manière. Mais la nécessité d'une graphie commune se faisait sentir. Actuellement, il existe trois systèmes orthographiques : Moga, ELG et ABCD. Le but est de proposer une graphie globale qui tienne compte des différentes façons de prononcer. Les solutions proposées divergent plus ou moins fortement. C'est un progrès indéniable puisqu'on  a compté une dizaine de systèmes graphiques centrés sur un terroir donné.
L'ABCD, du nom de ses concepteurs: Auffray, Bienvenu, (Le) Coq, Dréano, est la graphie utilisée par les professeurs de gallo.
 
 

J'ai cru entendre enseignants de gallo?

 
Comme toute langue, le gallo s'apprend. Bien sûr son enseignement n'est pas aussi développé que celui du breton, mais on le trouve dans certaines écoles élémentaires, dans 7 collèges et 7 lycées et il existe une option gallo à l'université de Rennes 2. Depuis 1984 les lycéens peuvent prendre le gallo en option facultative au baccalauréat. Il existe aussi des cours du soir et des stages intensifs.
 

Et il y a des gens qui s'y intéressent?

 
Eh oui. Les locuteurs évidemment mais aussi la Région Bretagne qui, en 2004, a reconnu le breton et le gallo comme langues de Bretagne  à côté du français. Le conseil général d'Ille et Vilaine soutient également le gallo. Enfin, depuis 2008, suite à une modification de la constitution, le gallo est reconnu comme les autres langues minoritaires appartenir au patrimoine de la France.
Même l'UNESCO s'intéresse au gallo. Mais pour constater, hélas, que c'est une langue en grand danger.
 

Mais le gallo, c'est comme du français, on comprend tout!

 
La preuve...
 
Poueterie bleuve.
 
Blleu
            L'égrunéo den la rayée
Durant que décesse la genée
Blleuve
            La galarne a coure tenant
Béntôt pire qu'un chevao s'brivant
Blleu
            La charae qui part a s'n aller
Entr mile jans par lés fôssoes
                                   Vonaod.
                       
 

Et pourtant...

 

Et pourtant, certains signes sont assez encourageants.
* le dynamisme des associations qui défendent la langue. On peut signaler: Bertègn Gallèzz, Maézoe, Chubri, l'association des enseignants de gallo, la Granjagoul, le CAC sud 22 (pôle patrimoine)... Les radios Plum FM avec Matao Rollo et Anne-Marie Pelhatae et France Bleu Armorique avec Fred et Roger.
*Les fêtes: Bogue d'Or, Gallèseries, Gallésie en fête, Le gallo en scène, Mill Goll, Assembiès gallèses..
* Le théâtre: compagnie Tradior, Les Préchous, Fâilli guerzillon...
* Les auteurs : Armand Dagnet, Jeanne Malivel, Adèle Denys, Albert Meslay, Albert Poulain,  André Bienvenu, Fabien Lécuyer, Maurice Le Dourneuf, Maryvonne Limon, Daniel Robert, Marie-Brigitte Bertrand, André Montfort, Jean Pierre Pluet et de nombreux autres répartis sur toute leaHaute Bretagne. Sans oublier les dictionnaires : le petit Matao de Régis Auffray, le motier de pouchette de Partick Deriano. L'un et l'autre ont aussi publié une grammaire. Les glossaires sont nombreux sans oublier les traductions de Tintin et Astérix.
 * Certaines villes: Parcé, St Brice en Coglès, Loudéac, Pordic, Rennes ont une signalisation bilingue.
 
Le gallo s'erchome. (le gallo se redresse).