Conte : les sept frères
Conte recueilli par Jeanne Malivel
Une fille joliment jeune
Avait une fois
Sept frères.
Tandis qu'ils sont aux clos 1
C'est elle qui lave leurs hardes 2
Au doué 3 au bout du pré, porte leur mé-matinon 4,
Met les patates doucement cuire
Au fournet 5
La chair 6 à la marmite
Les châtains 7 à la flamme
Le lait en caillibottes 8
Pour les jours de dimanche.
1 - champs, 2 - habits, 3 - lavoir, 4 - collation du matin, 5 - fourneau, 6 - viande, 7 - châtaignes, 8 - sorte de fromage blanc
Une advéprée 9
D'une pecellerie 10 elle s'en revient toute seule,
Et rencontre une ancienne
Qui li 11 fait présent d'un petit chien noir;
"garde-le bien dit-elle,
Prends en hardiment du soin,
portes-y attention,
partage avec li 12
toute la nourriture
et tu seras heureuse
tout ton vivant".
9 - après-midi, 10 - teillage du lin, 11 - lui, 12 - lui
Et tandis que le gentil chien suit la jeune fille,
Il fait mille drugeries 13
Et joliment s'entourne autour d'elle,
La malurette 14 disparaît
Au prochain carouge 15
Comme rosée sous le souret 16.
13 - folâtreries, 14 - sorcière, 15 - carrefour, 16 - soleil
Loïza cherche en sa tête
Ne peut plus déconnaître 17 la voix
Et se demande si vantiers 18 elle a ouï
Ni figuré 19 la vieille bonne femme illé 20
Ou bien si c'est une vérité.
SEIGNEUR, Seigneur,
préservez-nous des chiens,
des loups et des serpents
qui passent par les champs !
17 - oublier, 18 - peut-être, 19 - figuré, 20 - cette
le soir,
les sept frères rentrent à la maison,
ils posent leur prais-coupants 21
et après qu'ils se sont assis :
oh ma sœur,
pourquoi accepter cette faillie 22 bête ?
votre raison est-elle partie avec votre tête :
nous vous prions par grâce 23
de n'oublier jamais
la recommandation qui vous a été faite.
Donnez le demi 24
Du pain que vous mangez
Du cidre que vous buvez
Si vous ne voulez pas faïner 25 la maisonnée.
Ainsi fait la jeune fille.
21 - faux, 22 - de rien, 23 - par bonté, 24 - la moitié, 25 - ensorceler
Il y a toujours une part pour elle,
L'autre pour le chien noireau.
Elle lui offre dans le creux de sa main
Le moitié de l'eau qu'elle boit
- à la fontaine -
Les jours de grande chaleur.
Elle coupe en deux la fraise
Qu'elle cuette 26
A l'ombre
De la forêt.
26 - cueille
Les lucets 27 même chose
Les ignoches 28
Les guernézelles 29
Ou les uns et les autres qui sont de saison.
27 - myrtilles, 28 - prunelles, 29 - groseilles
Mais un jour qu'elle davaïne 30
Avec une compagne
Elles trouvent les nouzilles 31 point mûres
Car le mi-août
N'est pas encore venue.
30 - flâne, 31 - noisettes
Cependant son amie li donne un petit bon 32
Pas vantiers 33 gros comme la tête d'une épille 34
Et elle le mange
Sans savoir seulement comment il a goût,
Si petit qu'il est.
32 - morceau, 33 - peut-être, 34 - épingle
Oh !... oh !...
Le chien noir tout enderoué 35
Sitôt de se délâcher 36 vers la maison
Et elle court après,
Prise de peur,
En huchant 37
Ha ! ha !... mes frères … Ha ! ha !...
Que diote 38 j'ai été de ne point suivre vos conseils !
Madame Saint Anne !
Madame Saint Anne !
Et vous, défunt mon père et défunte ma mère,
Ne me laissez pas jeter un sort par ce chien-ci !
35 - avec des cris rageurs, 36 - s'élancer, 37 - criant, 38 - stupide
Mais quand elle rentre dans l'ôsté 39,
Déjà le petit chien a levé la patte
Et avondré 40 le dernier tison
Caché sous les cendres.
Ah ! mon bon Dieu !
39 - maison, 40 - éteint
(De ce temps-là, les allumettes n'étaient pas trouvées 41 ; on gardait tout le temps un grillon 42 de feu dans le foyer et, si par hasard il s'éteindait 43, on mettait de la cendre dans un sabot quasiment usé, hardi sur la rale 44, pour aller quetter 45 un brin de feu chez les voisins. Les plus adrets 46 s'apprenaient 47 à le tenir dans le creux de leur main, en la faisant ter-sauter 48 de gauche à drette 49 sans se brûler).
41 - inventées, 42 - tison, 43 - s'éteignait, 44 - usé, 45 - chercher, 46 - adroits, 47 - apprenaient, 48 - sauter, 49 - droite
La jeune fille se prend à geindre de sa malchance.
- Voilà que mes frères vont revenir
Et je pourrai point cuire les paeuh 50 !
50 - bouillie d'avoine
Cependant le plus proche demeure
Est celle d'un Sarrazin.
Loïza prend un sabot,
S'en va par le traverse.
Elle pleure un petit 51…
Et les larmes coulent tout o le va 52 de sa figure.
51 - un peu, 52 - vers le bas
̶ Allez-donc vous-en,
Dit la femme du païen tandis qu'elle l'aperçoit,
Vous ne savez donc pas que je suis mariée
A un homme malin 53 ?
Si vous demeurez, il vous boenera 54 o 55 ses cornes
Et vous piâchera 56 o 57 ses dents.
53 - méchant, 54 - encornera, 55 - avec, 56 - mâchera, 57 - avec
Ah ! je sais qu'ici est le terrain de l'étranger,
Mais un chien courtaud a gâté de l'iau 58
Sur mon feu
Et je suis venue vous demander de quoi l'éprendre 59.
58 - uriner, 59 - l'allumer
Sa bouche n'était pas sitôt close,
Que voici un grand vacarme :
Le sarrazin !
La femme n'a que le temps de cuter 60 Loïza
Toute épeurie 61 sous un rangeot 62
Qui se trouve au mitan de la pièce,
Car le jour d'avant li a servi pour faire la buée 63.
60 - cacher, 61 - apeurée, 62 - baquet, 63 - lessive
Dès le seuil, ses cheveux en buhot 64,
Tout en mêle, les uns dans les autres 65,emmêlés
Le géant renâcle 66 hardi 67.
Il rentre…
Roule des yeux , grippe 68 des mains
Et huche 69 si fort
Que la maison en manque d'ébouler 70 :
̶ de la chair de chrétien
Est par ici !
Brrrr !
̶ dame ver 71 grand lipaou 72,
Li répond sa femme en manière de rire 73
C'est le cochon que j'ai tué à midi
Pour ton rincion 74
Ho ! ho !
Mon homme est-il devenu diot 75 ?
Mais li de reveuger 76 encore un coup :
̶ de la chair de chrétien est par ici !
64 - en broussaille, 65 - emmêlés, 66 - renifle, 67 - beaucoup, 68 - crispe, 69 - crie, 70 - s'écrouler, 71 - bien sûr, 72 - idiot, 73 - comme pour, 74 - collation, 75 - stupide, 76 - ressasser
Berchaou 77 !
Prends une chinchée 78 pour calmer tes debets 79
Ici n'est pas à échampier 80.
77 - la belle affaire, 78 - prise de tabac, 79 - fureur, 80 - épier
Mais son gros doigt se tourne
Dret 81 devers 82 le rangeot 83
Où Loïza l'avise bien 84,
Son œil collé à un petit pertus 85
- Voici le chrétien !
Femme, pourquoi ces menteries ?
81 - droit, 82 - vers, 83 - baquet, 84 - voit, 85 - trou
L'épouse tant et si bien
Désaure 86 son homme et le désaure si bien
Que li commande de ne pas déconsoler 87 Loïza
Et c'est grand miracle que le sarrazin y consente.
Cependant, une condition y pose
Et li 88 impose,
La voici :
A chaque jour de souret 89
Loïza li 90 présentera son pouce à sucer.
Sans rien dire à ses frères,
Chaque jour, même heure,
Fidèle à sa promesse,
Loïza se ploie à la porte de l'Etranger
Et boute 91 son pouce par la chattière.
86 - Calme, 87 - faire de la peine, 88 - lui, 89 - soleil, 90 - lui, 91 - met
Les nétées 92 passent sur les jours
Et les jours sur les nétées,
Et le goulu suceur de sang
Se nourrit de sang pur.
Mais
Au bout d'un brin 93 de temps le doigt de Loïza
Se prend à bouffir 94
De telle façon
Que tout raconte aux sept frères.
̶ laissez ma sœur, laissez,
Demain vous ne retournerez pas seule chez le païen.
92 - nuits, 93 - quelque, 94 - gonfler
Les deux aînés disent au Sarrazin à travers l'huzet 95 :
- Si bourenflé 96 est le pouce de ma sœur,
Par le venin,
Qu'il ne passe plus par la chattière.
Amontrez 97 votre tête par le pertuis 98
Si vous désirez chulotter 99 son doigt.
95 - battant, 96 - gonflé, 97 - Montrez, 98 - trou, 99 - sucer
Sitôt qu'ils voient l'énorme face du géant,
Les deux aînés chômés 100
Le premier devers la galerne 101
Et l'autre vers le soulaire 102
Tranchent le col ensemble
De deux coups en un seul
Tandis que la bête roule vers le Bas
Dans un grand pur 103 qu'ils ont creusé en exprès 104.
100 - debout, 101 - nord-ouest, 102 - est, 103 - puits, 104 - exprès
AINSI LEUR SŒUR EST DELIVREE.
Par le même chemin, une matinée,
La voilà toute ébaubie 105
Car de la vraie-belle 106 porée 107 grasse
Lève par grands boquets 108
Sur la tombe du Sarrazin.
105 - étourdie, 106 - vraiment, 107 - poireau, 108 - bottes
Gardez-vous d'en cueillir jamais, ô ma sœur ;
Engrais de païen est poison pour nous
Et nos malheurs ne finiraient point.
Ah ! bel-à-voir 109 !
Devant le jardin maudit
Le demoiselle un soir soupire,
La claire 110 se lève au ciel
Plus blanche qu'une paletehouérée de dume 111.
Voilà la journée finite 112, bientôt les frères vont rentre,
L'outil sur l'épaule. Ils demanderont à manger
Et Loïza n'a rien à mettre en la marmite,
Sauf une poignée de sel gris
Et un failli 113 oignon vaillou 114.
109 - incroyable, 110 - pleine lune, 111 - louchée de crème, 112 - finie, 113 - petit, 114 - terreux
… Tout comme 115 !...
115 - quand même
Et voici dans sa main
Trois bien gentils 116 brins 117 de porée 118
Qu'elle met à bouette 119
Et songe 120 dans le même temps :
̶ cela bien sûr ne peut lou 121 faire dongier 122
Car pour eux ils n'en sauront rien.
116 - jolis, 117 - pieds, 118 - poireau, 119 - bouillir, 120 - pense, 121 - leur, 122 - dégoûter
Lorsque les sept frères posent leurs prais-coupants 123
Tous sept disent d'une même voix :
̶ sœur !
Tous sept nous avons grand faim.
Du soleil à la claire 124 nous avons travaillé
Et longtemps encore cheminé 125
donnez-nous vite notre souper 126.
123 - faux, 124 - clair de lune, 125 - marché, 126 - dîner
Et elle trempe leur écuellée…
A chaque 127, la sienne, sur la pierre de l'âtre.
Et sitôt les mangent de bien aise 128
Et sitôt disent:
̶ sœur,
Ouvrez la presse 129 à deux battants
Et donnez sept chemises blanches.
Chemise blanche je vous prends
Et si je meurs sans sacrement
Me servirez de confession,
Et d'extrême-onction.
Ah !
Ver 130 … mais… oui
Les voilà tous changés en papillons tout blancs,
Ils partent en mêle 131 de la fumée bleue
Et sur le toit se posent. Sept oiseaux tous d'une sorte
Qui chantent par lou becs
Et subient 132 bien gentiment,
Subient devant les passants :
Et eux , de les en-regarder
Et de marcher tout étonnés
Et, plus loin, de s'y retourner.
127 - chacun, 128 - avec contentement, 129 - armoire, 130 - oui, 131 - au milieu, 132 - sifflent
Si tant de peur à Loïza
Qu'elle s'encourt 133 par la campagne,
Dret 134 devant elle, tout échouébie 135,
Et, bientôt, à l'heure de nuit,
L'heure où l'on ramène les bêtes,
Elle veut houper 136 comme les pastours 137,
Pour savoir si elle est toujours elle,
La même Loïza qu'auparavant…
133 - s'enfuit, 134 - droit, 135 - pantelante, 136 - crier (appel), 137 - pâtres
Mais s'avise qu'elle est muette…
Hou ! hou ! hou !
Font les oiseaux,
Hou ! hou ! hou !
Pour les pêcheurs
Hou ! hou !
La peur enserre son collet
Le noir pèse sur ses épaules;
̶ mon bon Dieu, punie vous m'avez !
raconte-t-elle
dans son penser.
Elle chemine longtemps
Sous le clair 138 des étoiles,
Chemine le jour suivant
Et la nettée 139 suivante,
Chemine le lundi,
Chemine le mardi,
Chemine toujours sur ses nu-pieds
Heurtant les chaillots 140
Cheyant 141 aux bachots 142
Sans rien voir et sans rien entendre.
138 - clarté, 139 - nuit, 140 - pierres, 141 - tombant, 142 - fondrières (trous bourbeux dans un chemin défoncé par la pluie)
Puis entrevoit le creux d'un chêne,
Et la voilà de s'approcher
Et de s'asseoir entre les quartelles 143
Bien crasibotée 144 en un tas
Cûtant 145 sa face o 146 ses mains.
143 - morceaux, 144 - recroquevillée, 145 - cachant, 146 - avec
Elle se prend à pleurer tout bas,
S'attend de mourir,
Guerouée 147 qu'elle est,
Et faible, et fortunée 148 par ses chutes,
Quand elle sent houre d'aise 149 et, près d'elle,
Voit un chien
Qui passe sa langue sur ses mains
Et elle
De passer aussi ses mains dans le poil rouété 150
Tout lentement, tout lentement !
Tant elle se sent faillie 151
Et défaillante.
147 - glacée, 148 - , 149 - réconfortée, 150 - embrouillé, 151 - faible
A cette heure la bonne bête apporte son déjun*, petit déjeuner
Et mézé* Loïza ne sera plus en péril de faiblesse*. Désormais, défaillance
Chaque jour
Le doux chien de sa gueule présente
Les creignots* que le maître jette pour li* restes, lui
Du seuil de sa maison,
A l'heure de mé-matinon. collation du matin
Mais le patron de la bête de chien* chien
Commence à faire de bonnes brânées* pâtées
Pour engraisser son chien berger
Qui jamais ne profite.
Une fois
S'en vient quanté* li* avec lui
Car il remarque se détours.
Au creux du chêne
Il voit une belle jeune fille assise
Et doucement li* cause. lui
Elle ne répond pas car elle est muette,
Mais elle sourit de ses dents bianches blanches
Et le jeune homme plonge ses yeux noirs
Dans les yeux verts de Loïza
Qui au coup*, sent sa vue s'enfoncer aussitôt
Presque jusqu'au terfond* de son âme. tréfond
Tellement il est apitoyé
Que lui-même apporte un chantiau* de pain frais morceau, tranche
Un petit morcet* de lard morceau
Une galette bien graissée*
Une pomme de Doux-Hovec sorte de pomme
O* son couteau pour la plucher*. avec, éplucher
Doucement lave ses plaies
Avec de l'iau* du ruzet* eau, ruisseau
Et li* demande de le suivre chez li* lui
Il passe l'échalier* passage
Traverse le courtil* jardin
̶ ma mère,
Je vous amène une servante nouvelle,
Je vous demande d'avoir de grands égards,
Car elle est muette, et bravement* a souffert. beaucoup
L'ancienne, avarde* plutôt qu'avaricieuse, avare
Songe* de suite qu'elle la fera travailler pense
Comme dix valets.
Pour elle de baisser ses yeux,
Tristement ou gaiement, elle ne peut l'aulner* juger
Et ne veut pas rire, non plus que pleurer
Ni laisser voir son sentiment.
Il li* donne pour la filer, lui
La touzure* de ses brebis tonte
Et le chanvre de sa chanvrière
Et joliment s'amuse
A voir la navette érusser* sur la chaîne. glisser
… et la trame de s'allonger…
… sur le métier…
Tandis que le mousset* de linceuls* tas, draps
Se monte dans la presse* armoire
S'en va guetter sa mère et li dit :
̶ je veux que la servante s'établisse dans la ferme :
Toute la têture* de chanvre ou de lin pelote
A passé en fil de toile,
Et j'ai des écus plein mes chausses*. bas
Ma mère il est bien temps.
L'avarde* jure par le nom du bon Dieu, avare
Grandement se démonte,
Et la voici en tempête,
O* ses doigts crochés* crochus
Ecaïsse son corselet, déchire
Brayant comme une damnée :
̶ pas jamais cette fille de rien
Qui n'a pas seulement un liard
Ne s'établira pour ma bru.
Mauction* ! malédiction
Si jamais pareille chose je dure* supporte
Que Dieu me mette en son enfer.
Ha ! ha !
… ! bel à voir !...
Autant l'avarde se démonte
Et tant plus* d'autant plus
Le beau minourd* jeune homme
Est décidé
Bien décidé.
Il s'en va commander au tissou* tisserand
Six aulnes de garreau vert tissu laine-lin
Et six aulnes de garreau bleu;
Six aulnes de rouge et trois de noir,
Mesurée devant li
A l'aulne de Paris,
Forgée par son meilleur ami.
Il embauche les plus grands cousous* couturiers
Qui li taillent une camisole* de drap fin chemise
Et des braies * neuves ; culottes (pantalon)
Rapporte de la foire de Loudia* Loudéac
Des gamèches de toiles grise guètres
Et un chapet* en poil de lapin chapeau
Avec deux longs rubans de velours.
… Et un plein coffre d'affitiaux* colifichets
Qu'il remet à Loïza
Des sayons* et des cotillons* manteaux, jupes
Et des capots* en provision. coiffes
Il fait placer au mitan * de la pièce milieu
Une mée* terluisante* en cœur de chêne, coffre, brillante
Un lit sculpté d'oiseaux et de feuillages
Avec le banc de même ;
Fait rechanger* les clevures* de fer changer, ferrures
Par des clevures de cuivre,
Et met pour la veillée
Deux bobouères* ben hétantes* bancs de foyer, agréables
Et net* gentilles* très, jolies
Sous le corbelet de la cheminée.
Sur sa bête de cheval* cheval
S'en va à Sainte Anne en Auray
Où il achète un anneau de fidélité
Pour en faire don à sa promise.
Trois journées durant on creuse des sillons
Pour asseoir les invités au festin.
On enfourne des tourtes* de douze livres pain
Avec des gâches* de même. Pain blanc
Un fosset* à chaque barrique clé de barrique
Du cidre le plus gouleyant,
Cinquante pichets rangés en ligne
Pour abreuver les parents et les proches.
Pour le jour des noces
Les meilleurs sonnous* se traversent* sonneurs (musiciens)
Au nombre de huit pour trois jours;
Et dans l'église,
Devant l'autel,
Les deux cierges brûlent d'une même flamme
Longue,
Drette* droite
Blanche,
Sans beluetter durant toute la messe. vaciller
Ils se passent tous deux l'anneau,
Et ainsi sont bien mariés.
De tous côtés les menous* arrivent cavaliers
Et leur menouères* en croupe, cavalières
Hardis sautent les fossés,
Et galopent de par les landes
Avant d'entrer
Dans la cour
Les filles déroulent leur grande coëffe coiffe
De tulle, tout brodé
En manières* de fleurs et de boquets* rappelant, bouquets
Sur leurs luisants cheveux l'ajuste,
Pareils à deux grands ailes
De bel oiseau volant.
Et de baouder* danser
Et de chanter,
Et de danser,
Trois jours à suivre, à se réjouir.
Cependant la vieille mâtine
Ne peut s'emposer* d'avoir du regret : s'empêcher
Elle trouve Loïza toujours dans son souret* soleil
Et une idée mauvaise hante sa tête.
O le mont*, la voici montée, dans le solier* soleil
Pour quérir* des hanoches*. Chercher, rondins
Durant qu'elle rassemble une première brassée
Une bérée* sous les ouïbes* roitelet, rampants du toit
S'en vient pour li subier* siffler
Sur une sonnerie* qui li pertuise* les oreilles : air, percer
Bonne femme, bonne femme,
Tu ramasses du bois pour te brûler !
Et elle de la chouter* avec sa devantière* chasser, tablier
̶ nouna* c'est pour brûler ma bru non
Qui ne parle point !
Et la bérée de ouider* et de faire des terbeuchets* courir, petits sauts
̶ bonn' femm', bonn' femm', tu ramass' du bois
pour te brûler !
et elle de le chouter à coups de riblet* tisonnier ?
̶ nouna c'est pour ma bru
Qui ne parle point !
La bérée fait un tour d'ailes
Et en même place
Gaillardement
S'en vient li ressubier* siffler à nouveau
Et lui gouaper* à longueur de temps se moquer
En li pigochant le bout de son nez : picorant
Bonne femme, bonne femme,
Tu ramasses du bois pour te brûler !
Et elle de la chouter avec des roches !
A blanc le four est chauffé.
Pareille aux nuages la fumée se lève
Tout alentour.
Le carriket* passe dans l'air chariot de la mort
Et grince comme une signifiance*. Présage de mort
Le chien hurle à la mort
Et la poule a le chant du coq.
Les vaches à l'étable se délaittent* du même coup perdent leur lait
̶ tu peux tourner ta ribotte* baratte
Patronne,
Deux heures, dix heures de temps,
Pendant la nuit, pendant le jour,
Tu ne ramasseras pas de beurre,
Seulement une guermille* ! miette
L'homme qui creuse un pur* puits
Dépasse le mitan* de la terre milieu
Et il ouït* une voix d'ancienne entend
Qui dit :
̶ va dire à la fille de ta fille
Que la fille de sa fille
Pleure !
Et chacun de guener* ! de guener ! se lamenter
De guener tout prêt d'en caounir*. S'évanouir
La vieille croche la jeunesse
Par sa taille,
La lâche par le rouge pertuis*, trou
…! Mais :!...
Son pauvre corps n'a pas seulement bité* touché
La roche brûlante
Que sept petites colombes blanches
Sur le rebord d'une croisée chantent
En langage d'homme !
Parlez, parlez, ma sœur
Il est sept ans passés.
Au même temps le jeune femme
Court faire un mignon* à chacun de ses frères, baiser
Qui deviennent sept beaux gars.
L'avarde devenue honteuse
Se boute* d'un coup dans le four se jette
Où rôtie est diqua ses os. Jusqu'à
Alors le chariot est parti, et le chien aloze son maître,
et la poule gratte pour trouver son manger,
Et les vaches se relaittent* retrouve leur lait
Et la ribotte pleine de beurre
Quasiment va s'écarteler*. Se fendre
L'homme qui creuse un pur* ne veut rien raconter
Car le bonheur est arrivé.
Loïza et Péranik ont sept fils,
Nommés à leur baptème du nom des sept parrains:
Samson et Malo, Briec et Tugdual,
Pol,
Corentin et Patern.
Et v'la le bout* !