Les algues

On parle de plus en plus des algues actuellement. Pendant longtemps, seuls les habitants du bord de mer s'en servaient, mais de nos jours elles sont présentes partout dans notre vie quotidienne (même si on ne le sait pas toujours !).
On les retrouve:    
    Dans l'alimentation
    Dans les cosmétiques
    Dans les produits pour l'agriculture
    Mais aussi, hélas, dans les journaux qui parlent de pollution (les algues vertes…)

Mais, au fait, une algue c'est quoi ?

C'est la forme de vie la plus ancienne, et la plus variée aussi.
On en trouve partout où il y a des traces d'eau. Dans les mers et océans, dans les rivières, lacs, mares, les sources… Dans les plus grandes profondeurs, sur les montagnes les plus hautes…
On distingue les microalgues mobiles (plancton) et les macroalgues généralement fixées par un crampon.
Je te rappelle que micro veut dire petit et macro, grand.
Les algues sont chlorophyliennes, elles absorbent du gaz carbonique et rejettent de l'oxygène. Plus que toute la végétation terrestre ! c'est dire leur importance.
Elles ont une particularité: elles n'ont ni racine, ni tige, ni feuilles.
En Bretagne, on en dénombre plus de 600 espèces. Elles se plaisent bien chez nous car il y a des côtes rocheuses, de fortes marées, une salinité stable et des températures variant de 8 à 18°.
Traditionnellement, l'ensemble des algues était appelé goëmon et on l'exploite depuis très longtemps.

A quoi servaient-elles ?

Au départ, presque essentiellement à amender la terre. A servir d'engrais, si tu préfères. Elles ont servi à enrichir les champs autour de Roscoff favorisant ainsi les cultures maraîchères. Eh oui, la "ceinture dorée" du Léon leur doit une bonne partie de sa richesse.
Il y avait des emplois annexes et parfois anecdotiques:
Le goëmon, pouvait être utilisé comme combustible chez les gens les plus pauvres, on en remplissait les matelas, certaines algues servaient d'alimentation pour les vaches… sans oublier son usage alimentaire, les femmes s'étaient déjà aperçu du pouvoir gélifiant de certaines d'entre elles.
Mais une autre utilisation va contribuer à développer la récolte des algues : son emploi dans l'industie.
Les cendres vont servir dans la fabrication du verre et être utilisées pour donner l'iode
Cette utilisation va permettre la création d'usine :
1828: Le Conquet
1852 : Pont-Labbé
1853: Vannes
1857: Saint Pierre Quiberon
1864 : Tréguier
1870: L'Aber Wrac'h (Landeda)
1895 : Guipavas
1895 : Lampaul Plouarzel
1895 : Audierne
1914 : Quiberon
1914 : Loctudy
1918 : Kerity Penmarc'h
1918 : Plouescat
1918 : Argenton.
Toutes ces usines ne connurent pas le succès, loin s'en faut.

Récolter le goëmon

Ramasser des algues procure aux plus pauvres un complément de revenu : le goëmon est vendu aux riches paysans de la région de St Pol ou Roscoff ou échangé contre du bois de chauffage.
Très vite aussi apparut le besoin d'une réglementation afin de préserver la ressource et d'en limiter l'exclusivité aux riverains.
Le plus ancien règlement semble être celui édicté par Colbert (1681), mais c'est localement que les décisions sont prises.
Rochers et grèves riches en algues sont "partagés" entre les familles riveraines pour la récolte.
Ça n'empêche pas les chicanes, bien sûr. Les paroisses (et les communes plus tard) revendiquent des endroits communs et les goëmoniers contestent souvent les lieux de récolte qui leur sont attribués…
Rien de bien neuf, en fait.
Et maintenant, au travail !

Le goémon épave

Ce sont les algues détachées de leur support qui s'échouent ou vont s'échouer sur l'estran lors des tempêtes d'hiver ou cours du mois d'avril (à cette période les laminaires perdent leurs frondes pour laisser la place aux jeunes pousses).
L'estran, me demandes-tu.
C'est la partie de rivage découverte en partie ou totalité par la mer.

Le goémon de rive

On appelle ainsi les algues qui poussent sur l'estran. Mais attention ! cette récolte ne peut se faire qu'à certaines périodes et il existe des règles de ramassage. Certaines espèces, comme le fucus, doivent être coupée, d'autres ramassées à la main.
C'était un tâche pénible. Il fallait travailler courbé, sur des rochers glissants et ne pas perdre de temps pour gagner sur la marée. Pour cueillir le lichen, une algue rouge (nommée aussi le pioka), qui pousse au niveau des plus basses mers, il fallait être dans l'eau jusqu'aux hanches, quel que soit le temps !

Le goémon de fond

Les laminaires poussent essentiellement en pleine mer. On ne peut donc les récolter qu'en bateau entre mars et octobre (pour préserver l'algue).
Cette activité est uniquement réservée aux marins goémoniers professionnels.
Pour couper les laminaires au fond, on utilisait une guillotine, sorte de faucille à long manche qui devenait très difficile à manier lors des journées où soufflait le vent. Il "prenait dedans" et rendait la tâche épuisante.
" … il fallait toujours avoir l'extrémité du manche contre ton épaule afin d'avoir un point d'appui pour tirer… comme c'était dur ! nos épaules étaient esquintées… les mains étaient inflammées, elles étaient couvertes d'ampoules…" (Maryvonne Appriou, citée par Fanch Elégoët. 1979.)
Les algues sont ensuite entassées sur le bateau. Il y en a environ 2 à 3 tonnes par marée.
De la fin du 19ème à la moitié du 20ème, certains goémoniers allaient dans les îles où la récolte était plus abondante, pendant 6 mois, de mars à septembre.

A la fin des années 1950, les goémoniers cherchent des outils plus performants pour récolter les laminaires. C'est Yves Collin qui va inventer un instrument qui sera progressivement adopté par tous : le scoubidou. C'est un outil en forme de crochet qui comporte une manivelle au bout du manche permettant un mouvement de rotation qui arrache les algues.
Mais le travail reste très dur, en particulier au niveau du dos. Au début des années 1970 apparaît le scoubidou hydraulique qui permet des récoltes plus abondantes, même si la tâche est toujours difficile.

Du brûlage…

Les algues remontées sur la grève, elles étaient étalées pour le séchage.
En cas de beau temps, il suffisait de 2 à 3 jours pour qu'elles soient sèches. On les rassemblait alors en grande meule en attendant le brûlage.
Au 19ème, avec l'industrie de l'iode, les fours se multiplient sur les côtes.
Ce sont de longues tranchées, de 8 à 10 mètres dans lesquelles les goémoniers brûlaient les algues de juin à septembre.
Les cendres sont malaxées jusqu'à obtenir une pâte qu'on laisse refroidir et qui sera livrée à l'usine.

… aux molécules actuelles.

De nos jours les algues sont utilisées pour obtenir des colloïdes: alginates et carraghénanes.
Les colloïdes sont des produits aux propriétés épaississantes, gélifiantes, agglutinantes.si tu regardes la composition des produits, tu retrouveras ces symboles:
E 401 à 405 === alginates == laminaires, tali
E 406 === agar == agar agar
E 407 == carraghénanes == lichen, pioka.

Voici une liste (incomplète, sûrement…), de l'utilisation des algues. Tu vas ainsi te rendre compte de leur importance.
    En agroalimentaire:
    Gélifiants pour les produits laitiers (flans, yaourts, glaces…)
    Emulsionnants (crème fouettée…)
    Stabilisants ( maintien de la pulpe des jus de fruits…)
    Epaississants (sauces, soupes…)

    En agriculture :
    Comme engrais, en épandage.
    Les algues calcaire (le maërl) servent à amender les sols acides.
    Des produits servant à améliorer la croissance des plantes.
    Des produits pour renforcer les défenses naturelles des plantes.

    Dans l'industrie textile:
    Des alginates pour éviter que la teinture ne "bave" pas
    D'autres pour former une pellicule brillante protégeant des rayons lumineux…

    Dans le traitement des eaux usées:
    Des laminaires séchées peuvent fixer les métaux lourds (plomb, mercure…)

    En cosmétique:
    Crèmes solaires, savons, shampoings…

    En médecine:
    Pour les sirops, les enrobages de pilules, les hémostatiques, les anti-inflammatoires…

    Et… pour les colles, peinture, isolants thermique, dentifrice…

    Sans oublier la cuisine ! le haricot de mer, le wakamé et le nori (pour les sushis).

Remerciements

Ecomusée de Plouguerneau, dont le livre "la mémoire goémonière" a servi de base à cet article.
Un lieu à visiter:
L'écomusée des goémoniers du pays de Plouguerneau.